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Une belle définition de la politique est "Science et Art de diriger un Etat". Cette vision est cependant bien éloignée de la réalité, dans laquelle, heureusement, toutes les personnes faisant de la politique n'ont pas de responsabilité dans l'Etat. On pourra d'un autre côté s'interroger sur le pouvoir réel des hommes politiques dans la direction de l'Etat, face aux intérêts des partis politiques, des grandes entreprises, voire même de certaines personnes.
On constate d'ailleurs une érosion indéniable de l'intérêt, voire même du respect qui est porté à la politique et à ses représentants, désintérêt manifeste lors de la plupart des élections où l'abstention obtient des scores à faire pâlir d'envie certains partis. L'explication la plus couramment proposée est le comportement de la classe politique dans sa grande majorité, copinage, opposition stérile, querelles incessantes, mais aussi pratiques douteuses, notamment financières, qui ont pu légitimer le slogan excessif "tous pourris".
En ce qui concerne les pratiques douteuses, personne n'a nié les anciennes pratiques de financement des partis politiques, personne n'a nié les caisses noires et les primes en argent liquide, et d'ailleurs, un certain nombre d'hommes politiques ont pu tester de près le confort des prisons françaises. Il ne faudrait cependant pas généraliser ces accusations à toute la classe politique, mais il est clair qu'un peu plus de transparence ne ferait pas de mal, à la fois pour moraliser ces pratiques (moralisation déjà engagée), et aussi pour restaurer la confiance des citoyens.
L'autre volet du problème est le comportement de la classe politique, comportement qu'on qualifie volontiers de "politicien", à tel point que tous se défendent aujourd'hui de faire de la "politique politicienne" ! Ce comportement consiste essentiellement à privilégier un esprit de parti par rapport à ses propres idées, à chercher à capter les suffrages des électeurs, quitte à y perdre son âme. Lorsqu'on met face à face des membres de deux partis politiques adverses, ils se croient obligés de se trouver des désaccords sur la plupart des sujets. Il faut cependant souligner que ces comportements ne sont plus systématiques et qu'on peut entendre certains hommes politiques de l'opposition saluer une action gouvernementale sans y mettre de bémol. Il est cependant dommage qu'à l'Assemblée nationale, un parti en accord avec une proposition de loi préfère s'abstenir au seul motif qu'il est dans l'opposition et qu'il ne veut pas paraître soutenir ses adversaires.
On assiste également, au sein de certains partis à des querelles de personnes plus que d'idées, querelles qui donnent l'impression que l'exercice du pouvoir prévaut largement là encore sur la satisfaction de voir ses opinions triompher.
Mais tout ceci ne constitue que des épiphénomènes pouvant difficilement expliquer le peu d'enthousiasme vis-à-vis de la politique.
Car le problème essentiel, c'est que les hommes politiques ne savent plus nous faire rêver.
Cette affirmation choquera sans doute au premier abord. Les hommes politiques ne seraient-ils là que pour nous vendre du rêve, c'est-à-dire du vent ? Et les électeurs préfèreraient-ils ce rêve à des mesures concrètes, par exemple à l'augmentation de leur niveau de vie, à la baisse du sentiment d'insécurité ?
En fait, justement, que nous proposent nos hommes politiques ? L'un veut plus de protection sociale, de retraite, bref, améliorer le sort individuel de chaque citoyen ; l'autre veut au contraire libéraliser l'entreprise, pour dit-il relancer l'économie et ainsi assurer le bonheur de tous. Les uns veulent mondialiser, les autres fermer les frontières. Les uns veulent fermer les centrales nucléaires, les autres les développer. Bref, tous nos hommes politiques nous proposent des mesures à prendre dès qu'ils seront au pouvoir, et aucun n'a l'idée de nous dire comment ils verraient un monde idéal.
Et pourtant, on serait en droit de s'attendre à ce que toutes ces mesures soient prises pour tendre justement vers cet idéal, que l'idéologie ne se réduit pas à la résolution immédiate de problèmes de la société, problèmes qui ne sont d'ailleurs pas les mêmes d'un parti à l'autre, et chacun ayant tendance à défaire ce que l'autre a bâti.
Malheureusement, nos gouvernants semblent naviguer à vue, donnant un coup de barre à droite ou à gauche selon l'humeur ou selon le sens du vent. Aucun ne semble disposer d'une carte leur indiquant l'emplacement d'une terre accueillante, et aucun ne semble se soucier de rechercher une telle carte.
La description du monde idéal permettrait aux électeurs d'enfin savoir où les emmènent leurs dirigeants, leur permettrait de choisir leur destination parmi celles proposées, et de choisir les moyens d'y parvenir. Cette description leur donnerait également un but clair, orienterait même leur comportement.
Et peut-être même s'apercevrait-on que des partis politiques ont au final le même idéal, seuls les chemins pour y parvenir étant différents. Et même si ce n'était pas le cas, des discussions fructueuses pourraient s'amorcer pour harmoniser les vues de chacun pour offrir une vision consensuelle du but à atteindre.
Mais cela sans doute est-il également un rêve...
Hervé Jamet
Août 2003
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