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Le préalable à tout engagement politique est de définir un modèle de société idéale, but lointain, mais peut-être pas totalement inaccessible, guidant les actions à mener aujourd'hui dans une direction bien définie, même s'il est évident que la ligne droite n'est pas obligatoirement le meilleur chemin. Ce modèle pourra bien entendu être précisé, voire révisé en cours de route au fur et à mesure des progrès effectués par la société, progrès scientifiques, mais aussi philosophiques.
Plusieurs difficultés devront être prises en compte dans l'établissement de ce modèle :
De plus, il ne faudra pas perdre de vue que l'évolution de la Société pourra rendre caduc un modèle qui semblait idéal à une certaine époque ; en effet, il est relativement difficile de prévoir les effets pervers de ce qui peut apparaître comme un progrès. Les architectes des grands ensembles d'immeubles n'avaient certes pas prévu qu'ils deviendraient invivables, à tel point qu'on doive aujourd'hui en dynamiter certains. Et même une société idyllique, dans laquelle plus personne n'aurait besoin de travailler, ou de faire d'effort, ne représente sûrement pas un modèle enviable, mais plutôt une société névrosée dans laquelle chacun s'ennuierait, où on serait obligé d'organiser des distractions comme dans l'Antiquité les jeux du cirque, ou aujourd'hui des émissions de télé-réalité, distractions permettant au citoyen de sortir par procuration de son morne quotidien.
Mais la première difficulté est bien de convaincre les hommes politiques de l'utilité de passer d'un discours sur les moyens à une réflexion sur les finalités, lorsqu'on les voit souvent naviguer à vue et n'agir que lorsqu'une catastrophe est imminente. Le principal obstacle est bien la vue à court terme, et l'insouciance vis-à-vis des générations futures et de l'avenir même de la planète au profit d'un petit confort dont on ne veut pas savoir qu'il est éphémère. Les exemples les plus frappants sont la mauvaise gestion, voire la dilapidation des ressources naturelles (sources d'énergies fossiles telles que le pétrole, mais aussi l'uranium), le réchauffement probable de la planète du à l'effet de serre, la disparition des forêts, voire même la disparition d'une mer entière, la mer d'Aral.
Aujourd'hui, la politique navigue entre deux extrêmes :
Le modèle libéral est certes plus efficace que le communisme, si on considère la richesse moyenne générée par personne. Cependant, les inégalités sont plus importantes, ce qui n'est pas sans conséquence sociale grave. L'insécurité en est la plus visible, et est essentiellement le fait de personnes estimant, à tort ou à raison, qu'ils n'ont plus rien à attendre de la Société, et même qu'ils n'en font plus réellement partie.
Aujourd'hui, qu'on le veuille ou non, la mondialisation est partout présente. Il n'est plus question de la mettre en cause, et même les anti-mondialistes d'hier sont devenus aujourd'hui des alter-mondialistes, c'est-à-dire qu'ils ne contestent plus la mondialisation en elle-même, mais uniquement la manière dont elle se fait.
La mondialisation existe en germe depuis l'Antiquité, lorsque des marchands n'hésitaient pas à parcourir de longs trajets, sur terre ou sur mer, pour profiter du fait de certains articles avaient une valeur très différente d'un pays à l'autre (soie, épices...). Ces marchands amorçaient entre ces différents pays un système de vases communicants, mais le débit disponible entre ces vases était nettement insuffisant pour mettre en cause les déséquilibres entre les différents pays. De plus, le coût et les risques de ces transports ne rendaient ce dernier intéressant que lorsque la valeur des marchandises était très différente d'un pays à l'autre.
Aujourd'hui, le progrès technique, avions, bateaux ou camions a provoqué une baisse considérable du coût du transport, tout en rendant le risque négligeable. La différence de prix entre deux pays pour rentabiliser une importation devient alors de plus en plus réduite. Cet effet devient alors suffisamment important pour que les entreprises se mettent à raisonner à une échelle mondiale, et plus seulement locale, la question étant alors de savoir qui pourra fournir la marchandise au meilleur prix, le coût du transport étant marginal. Le domaine de validité de la loi de l'offre et de la demande est devenu la planète entière, et non plus une zone géographique limitée. De plus en plus, une entreprise située n'importe où dans le monde peut devenir du jour au lendemain une concurrente d'autant plus sérieuse qu'elle n'est pas toujours soumise aux mêmes règles sociales.
Car c'est là que le bât blesse. Si l'économie est devenue mondiale, ce phénomène ayant été entériné par l'Organisation Mondiale du Commerce, la politique est restée locale, et avec elle les conditions sociales. Autant la concurrence nationale est peu ou prou soumise aux mêmes règles, autant la concurrence internationale s'effectue sans contrainte, certains pays faisant travailler des enfants ou des prisonniers à des tarifs défiant toute concurrence.
La seule échappatoire à ce phénomène est le nivellement social induit par cette mondialisation. En effet, les importations et délocalisations transfèrent des richesses des pays socialement avancés vers les pays socialement en retard. Même si souvent, ces richesses sont mal réparties, le niveau social du pays exportateur finit inéluctablement par évoluer. Malheureusement, le risque est une diminution du niveau social du pays importateur.
A ce point de la réflexion, on doit se demander s'il est envisageable d'amener tous les pays à un niveau social à peu près équivalent au nôtre, ou si l'harmonisation des niveaux de vie se traduira inéluctablement par une baisse de celui des pays socialement avancés.
Le raisonnement de départ est très simple : qu'obtient-on en divisant l'ensemble des richesses mondiales par le nombre d'habitants de la planète ? Comme tout raisonnement trop simple, celui-ci ne tient pas la route. En effet, la notion de richesse recouvre de nombreuses notions très dissemblables. La distinction principale entre les richesses est leur disponibilité et leur création.
On peut ainsi grossièrement classifier les richesses en quatre catégories :
Le point le plus dur dans la répartition des richesses concerne bien entendu les richesses non renouvelables. Or, aujourd'hui, ces richesses constituent la base de la civilisation occidentale. La principale de ces richesses est le pétrole, utilisé dans les voitures et les avions. Si certaines nations, dont l'Europe, mettent l'accent sur l'économie de ces richesses, en développant par exemple des véhicules dont la consommation est de plus en plus faible, ce n'est pas le cas d'autres pays, en particulier des Etats-Unis, dont les citoyens sont amateurs de gros véhicules gourmands en pétrole.
Mais de toutes manières, il est à-peu-près certain que tous les habitants de la planète ne peuvent pas prétendre au mode de vie occidental, basé sur le pétrole, sans assécher les réserves en un temps record. L'uranium lui-même finira bien un jour par s'épuiser. Il faudra donc songer tôt ou tard à remplacer ces énergies non renouvelables par d'autres énergies. On peut envisager s'exploiter une énergie non renouvelable encore peu utilisée, l'énergie géothermique, mais plus vraisemblablement, l'avenir à moyen terme sera celui de l'énergie tirée du soleil, soit directement (énergie solaire), soit indirectement (énergie éolienne, énergie hydroélectrique, carburants verts), à moins bien entendu qu'on arrive à maîtriser la fusion, ce qui règlerait pour longtemps tous les problèmes énergétiques, la fusion utilisant de l'hydrogène, le matériau le plus répandu dans l'Univers.
Tout le défi consistera à domestiquer suffisamment cette énergie pour répondre aux besoins futurs, et notamment à la stocker sous forme suffisamment compacte. Les carburants verts répondent à cette contrainte, et seront a priori les seuls à pouvoir faire voler des avions. En ce qui concerne les voitures, on pourra envisager la solution électrique, ou mixte électrique/carburant vert. Pour l'électricité domestique, le problème sera moins crucial, les énergies tirées du soleil étant déjà utilisées, et amenées à se développer, malgré certaines réticences.
Par ailleurs, on peut se demander si toutes les dépenses d'énergie actuelles sont vraiment indispensables. La réponse est à l'évidence négative. Une première réponse est donnée par les efforts engagés dans la diminution de la consommation des véhicules, voitures, mais également avions, l'enjeu pour ces derniers étant également une augmentation de l'autonomie, et donc de la distance pouvant être parcourue sans escale, sans compter bien entendu les économies réalisées. Des économies sont également possibles dans d'autres domaines, notamment des économies d'électricité. Une seconde réponse tient à la modification de pratiques coûteuses en énergie, par exemple les déplacements professionnels n'ayant pour seul objet que de rencontrer une personne alors que la vidéoconférence aurait suffi, les transports de marchandises dus uniquement au fait qu'il est plus économique de faire traiter un produit dans tel ou tel pays à plus bas salaire plutôt que de le faire traiter sur place.
Parmi ces richesses, on trouve d'une part les organismes vivants, animaux et végétaux, et d'autre part quelques ressources vitales pour l'homme comme l'eau potable.
Les richesses renouvelables ne le sont qu'à une certaine vitesse. Une surexploitation risque alors de conduire à la raréfaction de ces richesses, voire à leur disparition. Ainsi, les navires usines ont gravement entamé certaines réserves de poisson, obligeant parfois à des mesures de restrictions de pêche nécessaires pour laisser les stocks se reconstituer.
L'autre menace pour certaines richesses renouvelables se situe en amont du processus : ces richesses ne se développent que sous certaines conditions environnementales. La pollution, par exemple, peut mettre en péril la qualité, voire même l'existence de certaines de ces ressources. Mais, plus insidieusement, toute modification environnementale, même en apparence anodine, risque de compromettre certaines de ces richesses. Il peut suffire d'une modification de température de l'eau, due par exemple à un changement dans les courants marins, pour faire disparaître les poissons d'un endroit qu'ils avaient l'habitude de fréquenter.
Là encore, le maître mot dans la gestion de ces ressources sera l'économie et la lutte contre le gaspillage.
La principale spécificité de l'homme par rapport aux autres animaux est sa capacité à maîtriser son environnement, et à utiliser la nature à son profit. La plupart des richesses naturelles, renouvelables ou non, ne peuvent être utilisées qu'à l'aide de techniques appropriées. Le pétrole doit être raffiné, l'uranium nécessite la construction de centrales nucléaires. En ce qui concerne les richesses exploitables directement, comme l'eau, les plantes ou les animaux, l'intervention humaine, technologique ou non, permet d'accroître l'efficacité de cette exploitation. La cueillette est remplacée par la culture, la chasse par l'élevage. La pêche elle-même, bien qu'encore largement pratiquée, est largement secondée également par l'élevage. Même l'eau potable fait l'objet de nombreux traitements, allant de la purification à la distribution. D'autres richesses, telles l'énergie solaire sous toutes ses formes, nécessitent également une capacité technologique certaine pour l'exploiter.
Ces richesses constituent les richesses matérielles les plus représentatives de l'activité humaine. Elles permettent de suppléer aux limitations des richesses naturelles, et donc de repousser la limite de la population humaine pouvant vivre sur la Terre, tout en lui assurant une vie plus confortable (même s'il est certain que ce confort n'est pas équitablement réparti).
Cependant, il ne faut pas négliger les risques d'effets connexes de ces activités. Beaucoup d'entre elles constituent une source non négligeable de pollution, et donc compromettent d'autres richesses naturelles. Même des activités apparemment propres comme les barrages hydroélectriques peuvent être source de bouleversement écologique.
La contrepartie de l'activité humaine est la production en quantités de plus en plus énormes de déchets. Une bonne partie de ces déchets peuvent être réutilisés, métal, cellulose (papier), déchets organiques convertibles en engrais, etc... ce qui n'est pas récupérable peut être brûlé, et la chaleur ainsi récupérée peut être utilisée, par exemple pour chauffer des habitations.
D'un autre côté, l'eau usée elle-même est de plus en plus souvent retraitée avant d'être relâchée dans la nature.
Il existe encore malheureusement d'énormes quantités de déchets non retraités, que faute de mieux, on enfouit dans le sol. Il s'agit là d'un pis-aller, qui ne pourra pas continuer indéfiniment.
Parallèlement aux richesses matérielles précédentes existent de nombreuses richesses immatérielles, souvent peu considérées car sans réelle valeur marchande.
La nature elle-même constitue une de ces richesses, constamment menacée par les intérêts marchands pour qui un site naturel ne pèse pas lourd comparé à un développement de l'activité économique. Les grandes forêts disparaissent petit à petit du globe, le littoral est bétonné.
Une autre de ces richesses est la culture, musique, littérature, théâtre, cinéma. Là encore, il est difficile d'échapper aux réalités marchandes, pour lesquelles une bonne culture est celle qui rapporte des bénéfices. L'Europe a adopté la notion d'exception culturelle, mettant la culture à l'abri des effets les plus pervers de l'économie, mais combien de temps pourra-t-elle tenir cette position ?
Nos économistes ont fixé le taux de croissance idéal à 3%. Ce qui veut dire schématiquement que les richesses, la consommation devraient être multipliées chaque année par 1,03. Ce chiffre peut sembler bien inoffensif. Cependant, nous sommes en présence d'une série géométrique, à variation exponentielle. En 5 ans, nous obtenons une croissance de 16%, en 14 ans de 50%, en 24 ans de 103%, en un siècle de 1800%. Peut-on croire que dans un siècle, nous pourrons multiplier nos richesses et notre consommation pratiquement par 20 ? où cela s'arrêtera-t-il ?
Il devient clair que la croissance n'est jamais qu'une fuite en avant, qui devra bien un jour s'arrêter, faute de moyens, à moins qu'on ait trouvé d'ici-là le moyen de coloniser la Galaxie. Il n'est pas trop tôt pour réfléchir au meilleur moyen de stopper cette fuite en avant, de la stabiliser, voire de revenir à des concepts plus raisonnables.
Nous avons vu plus haut que notre niveau de vie ne pouvait pas être généralisé à toute la planète. La croissance a permis à une grande partie de la population des pays développés de posséder une voiture individuelle, et même d'en changer régulièrement. Le progrès a permis à une grande partie de la population de posséder un téléphone portable.
Mais, le progrès permet de moins en moins aux gens de se loger dans nos pays occidentaux. Il n'a pas supprimé les guerres, la famine dans les pays pauvres, les catastrophes dues à des phénomènes naturels le plus souvent parfaitement prévisibles.
Le développement et la meilleure exploitation des richesses au niveau mondial sont contrebalancés par une augmentation encore peu maîtrisée de la population mondiale, et un défaut de répartition de ces richesses, qui profitent essentiellement aux pays riches, d'une part du fait que ces derniers en produisent une grande partie, et d'autre part du fait des lois du marché qui ont tendance à déprécier nombre de matières premières (à l'exception notable du pétrole), produites par les pays pauvres qui n'en retirent pas un bénéfice équitable.
D'un autre côté, la croissance se fait de plus en plus au détriment des richesses naturelles non immédiatement rentables. Elle se traduit par plus de pollution, et une consommation effrénée des ressources naturelles, avec à court ou moyen terme un risque d'épuisement de ces dernières.
Freiner volontairement la croissance permettrait aux acteurs économiques de trouver un équilibre en stoppant la fuite en avant. Il sera cependant difficile de mettre une telle politique en oeuvre, car elle va à l'encontre des dogmes économiques les plus solidement établis, et surtout à l'encontre des intérêts immédiats de bon nombre de personnes qui ne sont pas prêtes à payer pour la préservation des générations futures, et qui voteront toujours pour le candidat qui leur proposera la voie la plus facile, celle de l'abondance immédiate au détriment des autres pays et surtout au détriment des générations futures.
Une société idéale doit être un compromis judicieux de différents facteurs antagonistes, associé à des mécanismes régulateurs en assurant la stabilité. Cependant, il ne faut pas confondre stabilité et immobilisme, voire stagnation.
A l'évidence, une société ne peut fonctionner que si les mérites de chacun sont reconnus. Une personne prenant des initiatives, voire des risques doit pouvoir en retirer un certain bénéfice, ce qui permet de motiver de telles initiatives. Par ailleurs, une personne ayant choisi de vivre sans stress, de ne pas s'engager dans la course à la compétitivité, doit cependant retirer des bénéfices de ses capacités, ce qui implique déjà qu'elle puisse les mettre en oeuvre. Et une personne n'ayant aucune activité utile ne doit pas pour autant être laissée au ban de la société, et doit être aidée si elle désire acquérir de nouvelles compétences.
Si l'aide aux exclus ne pose qu'un problème de moyens, la reconnaissance des mérites de chacun est nettement plus complexe, surtout lorsqu'elle doit se traduire en revenus. Comment comparer des travaux de nature différente, comment mettre en perspective un travail avec une initiative ? Il ne semble pas exister d'alternative à une régulation par la loi de l'offre et de la demande, seule régulation à ne pas faire intervenir de critère subjectif.
Cependant, la simple application de la loi de l'offre et de la demande conduit à un accroissement illimité des inégalités. Il convient donc de limiter ces inégalités par des mécanismes de redistribution.
Finalement, on s'aperçoit que la solution n'est pas très éloignée de celle déjà mise en oeuvre dans de nombreux pays dont la France, un capitalisme tempéré de mécanismes sociaux de redistribution.
Cependant, ces mécanismes de redistribution ne sont pas aisés à mettre en oeuvre. Le seul qui fonctionne à peu près correctement est l'impôt. Cependant, ce dernier est relativement impopulaire, les citoyens n'appréciant pas de verser une partie de leur revenu à un Etat "boîte noire" qui éprouve beaucoup de difficultés à expliquer à ses administrés ce qu'il fait de leur argent. Les trop nombreux gaspillages, la mauvaise utilisation de l'argent de l'Etat ainsi que l'inégalité devant l'impôt ne contribuent pas à calmer le citoyen-contribuable, qui accueille avec satisfaction toute mesure démagogique de baisse des impôts sans se demander qui va payer les enseignants et les infirmières, qui va financer les services publics et l'entretien des infrastructures du pays.
Un gouvernement libéral a tendance à favoriser le capital par rapport aux revenus du travail, à tel point qu'il devient intéressant pour de simples particuliers de fonder une société pour acheter un appartement, plutôt que de l'acheter en leur nom propre. L'inverse devrait être théoriquement vrai avec un gouvernement de gauche, mais dans la pratique, la différence est peu perceptible. Le système idéal serait celui où il serait neutre d'être une entreprise ou un particulier par rapport à l'impôt.
La répartition des activités entre secteurs public et privé fait l'objet de nombreux débats. Mais, en fait, le débat est plus profond ; il s'agit de décider quels sont les biens et services auxquels chacun a droit, et éventuellement dans des conditions identiques sur tout le territoire de la société. Dans l'idéal, ces biens et services devraient être gratuits, du moins dans les limites d'une utilisation minimale. On peut considérer qu'il revient au même de les laisser payants, la Société garantissant alors un revenu minimal permettant de les utiliser.
L'inconvénient de cette démarche est la variation des besoins et des prix en fonction des régions. Par exemple, les besoins en vêtements et en chauffage différeront selon les régions, et d'autre part, les prix de certains services différeront également d'une région à l'autre, par exemple, transports en commun. Et d'autre part, un certain nombre de services primordiaux sont assurés par le secteur privé, notamment logement et nourriture.
Quels sont les effets des mécanismes du marché sur les progrès de la Société ? Une simple observation nous montre la complexité de la question. D'un côté, les secteurs lucratifs connaissent un progrès phénoménal, par exemple les secteurs de l'informatique et des télécommunications. D'autres secteurs, moins lucratifs, ou perçus comme tels, ont du mal à se développer, par exemple les traitements médicaux de maladies rares, voire régressent carrément, comme par exemple le transport supersonique ou l'homme dans l'espace.
La rapidité des progrès dans certains secteurs y attirent une bonne partie des efforts de recherche et développement, au détriment de secteurs dans lesquels on ne peut pas s'attendre à des résultats à court terme. Bien entendu, personne ne peut prédire quels seront les résultats à moyen ou long terme de telle ou telle voie de recherche, mais il est clair que personne ne veut prendre de risque. Or, il est à peu près certain que ce sont certaines de ces voies inexplorées qui déboucheront un jour sur des découvertes importantes. Claude Allègre aime bien dire que ce n'est pas en cherchant à perfectionner la bougie qu'on a inventé l'ampoule électrique. De nombreux aspects de notre technologie actuelle proviennent de recherches dont personne ne voyait au début à quoi elles pouvaient servir.
C'est pourquoi l'Etat doit contribuer à soutenir la recherche, essentiellement dans les directions négligées par l'industrie. La tendance actuelle de partenariat public-privé semble à cet égard prometteuse.
Nous avons tout au long de cet article esquissé quelques pistes permettant de définir quelques grands aspects de cette société idéale. Tout d'abord, une maîtrise de la croissance, permettant de stabiliser la course folle actuelle qui se terminera fatalement par des catastrophes, dues en grande partie au tarissement des ressources naturelles. Cette maîtrise de la croissance permettra de retrouver un équilibre depuis longtemps perdu, et permettra d'envisager une meilleure répartition des richesses, ainsi que leur pérennité pour les générations à venir.
Cependant, une société idéale ne peut être totalement égalitaire, l'homme ayant besoin de motivation pour entreprendre. La loi de l'offre et de la demande permettra de fixer un critère objectif de répartition des richesses en fonction des réalisations de chacun, mais sa maîtrise par des mécanismes de répartition l'empêchera de diverger et d'accroître les inégalités au-delà du raisonnable.
Bien du travail et de la réflexion restent nécessaires pour préciser les contours de cette société idéale, mais il semble que ce soit la seule voie possible pour sortir des impasses politiques actuelles. En politique comme en navigation, le cap est certes important, mais si on ne connaît pas la destination, on est à peu près certain de ne jamais arriver à bon port.
Hervé Jamet
Août 2003
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