PARIS |
Accueil
|
En 2001, les Parisiens ont élu à la Mairie de Paris Bertrand Delanoë, à la tête d'une équipe regroupant Socialistes et Écologistes. Ce résultat était essentiellement dû à la volonté des Parisiens de changer un système mis en place par Jacques Chirac et perpétué avec plus ou moins de bonheur par Jean Tibéri. Les Parisiens désiraient un peu de changement, ils ont été servis au-delà de leurs espérances. Une fois élus, nos édiles se sont sentis investis d'un mandat en blanc leur permettant d'agir selon leur bon plaisir, lequel fut présenté comme étant l'incarnation de la volonté des Parisiens qui les avaient portés au pouvoir. De nombreux projets sont sortis des cartons de l'équipe municipale, dont certains à l'utilité contestable, comme la re-modification de l'ancien quartier des Halles ou la construction de tours. Cependant, le grand fédérateur de la majorité des idées municipales est le rejet de l'automobile et des automobilistes, désignés comme les ennemis publics numéro 1. On reconnaît bien évidemment l'influence des Verts, qui ont su négocier leur alliance électorale avec les Socialistes. A peine arrivée en fonction, la nouvelle équipe s'est attaquée aux couloirs de bus, qu'elle a par endroits élargis de manière extravagante, comme par exemple rue de Rivoli. Si cet aménagement a permis aux bus de ne plus être arrêtés par les livraisons, il faut bien du sang-froid aux cyclistes, autres utilisateurs de ces couloirs, pour cohabiter avec les autres occupants de cette voie. Les plus heureux dans l'affaire sont les motards qui ne se privent pas d'emprunter à fond les manettes ces couloirs qui leur sont pourtant normalement pas destinés. Mais visiblement ces travaux avaient moins pour but l'élargissement des couloirs de bus que le rétrécissement de l'espace réservé aux voitures. On a donc très tôt vu le but poursuivi par la municipalité : rendre la circulation dans Paris de plus en plus difficile. L'intention pourrait sembler louable : en effet, presque tout le monde s'accorde à dire qu'il y a trop de voitures dans Paris, et donc trop de bruit et trop de pollution. La diminution des nuisances causées par les automobiles circulant dans Paris est donc un objectif tout à fait valable. Il semble malheureusement que le but de l'équipe municipale soit à l'opposé : augmenter ces nuisances pour essayer de décourager les automobilistes d'utiliser leur véhicule dans Paris. On saisit donc mieux le subtil glissement idéologique : passer de la lutte contre les nuisances automobiles à la lutte contre les automobiles elles-mêmes, voire contre les automobilistes, quitte à oublier le but initial. On risque donc d'avoir dans Paris moins d'automobiles, mais plus de nuisances, provoquées entre autres par les embouteillages dus aux aménagements "écologiques", la pérennité de ces embouteillages étant d'ailleurs nécessaire pour avoir un véritable impact sur le volume de la circulation automobile. Cependant, les aménagements de voie bus n'étaient qu'un amuse-gueule, destiné à s'échauffer avant le grand projet de la mandature : les tramways au Sud de Paris, le TMS (Tramway Maréchaux Sud) et le prolongement de la ligne T2 jusqu'à la Porte de Versailles. On pourra consulter les pages qui y sont spécifiquement consacrées. Afin de mener à bien cette entreprise, un seul écueil devait être évité : l'utilisation de la Petite Ceinture ferroviaire, voie ferrée qui semblait être prédestinée à ce projet, mais qui aurait eu pour inconvénient rédhibitoire d'épargner la circulation automobile. Si la municipalité savait qu'elle avait l'appui de la population de Paris et de la proche banlieue pour ces projets de tramway, elle avait vite compris que cette même population était majoritairement en faveur du tracé de la Petite Ceinture. Elle pouvait cependant compter sur le soutien de quelques associations de riverains de la Petite Ceinture, lesquels, ayant acheté un appartement avec un balcon donnant sur une voie ferrée, trouvent tout à fait scandaleux qu'on puisse avoir l'idée d'y faire passer des trains, ou même des tramways tellement silencieux qu'on ne les entend pas arriver lorsqu'on leur tourne le dos. La stratégie retenue par la municipalité pour légitimer ses projets fut d'organiser une "concertation" pour chaque ligne, pendant laquelle elle demanda aux citoyens de s'exprimer sur le projet proposé, avant de prendre sa décision, décision prise à l'avance qui, bien entendu, ne tint aucun compte des avis rendus. On relira à ce propos une déclaration édifiante de Bertrand Delanoë au sujet de la concertation sur le TMS : "Certaines de ces interventions portaient sur l'implantation du tramway sur l'ancien réseau ferroviaire de la Petite Ceinture. Mais parce que nous privilégions l'amélioration [ ], nous estimons, avec l'État et la Région Île-de-France que ce tramway doit prendre place sur les boulevards des Maréchaux". En d'autres termes, le Maire de Paris explique que son avis est bien meilleur que celui des personnes qui ont participé à cette concertation. Dans ce cas, pourquoi avoir organisé des concertations ? Avait-il sous-estimé l'importance des partisans de la Petite Ceinture et attendait-il un enthousiasme unanime pour le projet présenté ? Les contribuables parisiens seront par ailleurs ravis d'apprendre que le projet de la municipalité coûte nettement plus cher que le projet Petite Ceinture, et ce pour une vitesse commerciale bien inférieure. La municipalité n'a pas ménagé ses efforts pour faire passer ses projets :
Malgré tous ces efforts, le TMS n'est passé que de justesse, avec deux enquêteurs pour et un contre, et assorti de réserves importantes. Le résultat de l'enquête publique pour le prolongement du T2 est un avis défavorable émis unanimement par les trois commissaires enquêteurs. Sitôt obtenue la déclaration d'utilité publique pour le TMS, la municipalité s'est empressée de commencer les travaux, en commençant par une opération commando pour couper des arbres sans laisser aux habitants le temps de réagir. Cependant, c'est après que les habitants ont commencé à souffrir réellement. En effet, contrairement au projet Petite Ceinture, le projet sur la voirie nécessitait avant tout le déplacement de toutes les canalisations situées sous l'emplacement futur des rails. Le boulevard des Maréchaux s'est couvert d'emprises de chantier, la circulation ne se faisant alors plus que sur une voie. L'accès au périphérique intérieur de la porte de Sèvres a été déplacé, sa fermeture durant presque un an ; actuellement, la rue menant aux accès du périphérique de la porte de Sèvres a été mise en sens unique, la sortie par escalator de la station de métro Balard fermée, et visiblement, la municipalité n'est pas pressée de terminer ces travaux pour rendre la voirie à ses usagers. En bref, ces travaux sont l'occasion pour la municipalité de prendre les automobilistes en otage bien avant le passage de la première rame de ce tramway. Le passage du tramway en voirie a pour conséquence la réduction de la largeur des voies réservées aux voitures, et donc théoriquement de leur vitesse. Le comblement d'un souterrain porte d'Italie ne sera certainement pas de nature à faciliter la circulation. Le risque est surtout de voir s'accroître les embouteillages, spécialement porte de Versailles en période de salon, ce qui aura pour effet d'augmenter la pollution des quartiers traversés. Mais de cela, la municipalité n'en a cure. Figée dans son dogmatisme anti-voitures, elle espère une réduction de la circulation, réduction par ailleurs nécessaire pour pouvoir tenir les promesses du tramway en matière de vitesse commerciale. Et peu importe que cette réduction de circulation doive se payer de moins bonnes performances du tramway. En ce qui concerne le prolongement de la ligne T2, Bertrand Delanoë aurait pu tirer les conclusions de l'avis défavorable ayant conclu l'enquête d'utilité publique et remettre l'option Petite Ceinture à l'ordre du jour. C'était sur-estimer sa considération pour les institutions démocratiques. Après avoir effectué deux concertations sur le projet, déplacé les Parisiens et leurs voisins d'Issy-les-Moulineaux dans deux réunions publiques, leur avoir demandé d'émettre leur avis lors d'une grande enquête d'utilité publique, dont il espérait sans doute un plébiscite de son projet, il a fait voter par le conseil municipal une résolution (DVD 2005-52) dans laquelle il réfute toutes les conclusions de l'enquête et demande l'autorisation d'effectuer les travaux malgré l'avis unanimement défavorable des commissaires enquêteurs.
On le voit, le maire de Paris n'est démocrate que lorsque les décisions prises le satisfont, ce qui lui permet de se donner à bon compte une image d'homme de dialogue. Mais que ses administrés le contredisent, via une commission d'enquête publique et voici le dictateur qui réapparaît, n'hésitant pas à recourir à un véritable putsch légal pour faire avaliser ses décisions contestées. Cette attitude est d'autant plus consternante que Bertrand Delanoë fait partie des hommes politiques susceptibles de devenir un jour président de la République. La cacophonie socialiste au sujet du référendum sur la Constitution européenne montre malheureusement que son cas n'est pas isolé au sein de son parti : après avoir réclamé un référendum sur le sujet au sein du Parti Socialiste, référendum ayant débouché sur un OUI, certains opposants à la Constitution n'hésitent pas aujourd'hui à faire ouvertement campagne pour le NON, montrant par là le grand cas qu'il font des consultations de leurs militants. On peut être également consterné par l'attitude de la préfecture de Paris, qui n'a toujours pas publié les résultats de l'enquête. Tout a été fait pour que les administrés n'en aient pas connaissance : quelques entrefilets dans les journaux, deux sites Web dont l'un, celui de l'association Orbital, propose le téléchargement des résultats de l'enquête, et c'est tout. Une telle attitude de nos élus et de nos administrations constitue un véritable danger pour la démocratie, en se moquant ouvertement de toutes les personnes ayant participé à l'enquête et en foulant aux pieds le principe de consultation des citoyens sur les grands projets d'infrastructure. Comment pourra-t-on ensuite s'étonner du désintérêt, voire du rejet de la politique par les citoyens ? Hervé Jamet |